dimanche 19 septembre 2010

SOS Chevaux en détresse


Hola amigos!

Sur les façades des commerces de Santa Fe fleurissent des posters montrant des images de chevaux maltraités, en sang, maigres, qui s'exténuent à tirer des charrettes remplies d'ordures. Une photo d'une charrette tirée à bras d'homme ou par une bicyclette complète le tableau avec ce commentaire: "Comme ça, oui!". Ces affiches visent directement les "cartoneros", qui vivent du ramassage des ordures, et sortent tous les soirs de leur villa juchés sur une carriole tirée par un cheval. "SOS Caballos" (SOS chevaux), c'est le nom de cette association, propose de retirer les chevaux maltraités à leurs propriétaires et a comme slogan: "La pauvreté ne justifie pas tout!". Très bien, mais de quoi vont vivre ces gens si tu leur enlèves leur outil de travail? Il est vrai que les chevaux frôlent les voitures, mais que dire alors des enfants qui sautent de la charrette en courant pour aller chercher les poubelles et passent à raz les pare-chocs?  Voilà une anecdote révélatrice du fossé qui sépare les classes moyennes des habitants des villas, les quartiers pauvres.
Samedi, je suis retournée chez Silvana et Nito. Ce dernier vit du ramassage des ordures, qu'il accumule par ailleurs dans le "jardin" à l'arrière de leur maison. Leur cheval est attaché toute la journée et mange la nourriture qu'on lui balance au milieu des déchets. Inhumain comme traitement? Et les enfants de Nito et Silvana qui vivent au milieu des poubelles, on en fait quoi? Le voisin de Nito a découvert les restes de son cheval le matin même. Des hommes (trois ou quatre apparemment) ont tué la jument, qui était enceinte, et l'ont dépecée. Le propriétaire était désespéré car il a perdu, en une nuit, deux chevaux, ses seules richesses. Quant aux voleurs, ils ont certainement été revendre la viande à une boucherie. Nito craint qu'une pareille chose arrive à son cheval. Selon lui, les voleurs sont des "cannibales" et la faim n'excuse pas un tel acte. Au moins, SOS chevaux et le cartonero sont d'accord sur point: "La pauvreté ne justifie pas tout!".

Hasta luego

Hortensia

vendredi 17 septembre 2010

Despedida au pavillon juvenile de la prison de Las Flores


Hola amigos!

Aujourd'hui, Ludivine et moi sommes (enfin) retournées au pavillon juvénile de la prison de Las Flores, nom bien poétique pour désigner cet endroit. En fait, Las Flores ne ressemble pas à l'image que l'on se fait de la prison, selon les films américains. Il y a des gardes, qui portent des uniformes bon marchés et prennent la peine de te fouiller correctement une fois sur dix, un grand mirador, pourri, et surtout bon nombre de chiens errants. Ceux-ci sont partout, à l'extérieur, sur les chemins menant aux pavillons, à l'intérieur de la prison même. Un jour, alors que nous attendions à l'extérieur, nous avons eu le plaisir d'admirer un chiot déchiqueter un pampers plein de merde. Voilà pour l'ambiance.
Pour en revenir au pavillon des mineurs, j'ai cru halluciner la première que je suis entrée à l'intérieur, triste, sombre, froid et humide. Impensable d'imaginer que des mineurs vivent là-dedans. Comparativement aux pavillons des adultes, c'est bien, car les jeunes sont peu nombreux. En général, nous rencontrions les mineurs dans la cour intérieur des pavillons A et B. La cour est composée d'une sorte de gazon, qui fait plus penser à de mauvaises herbes, et de dalles disjointes. Pourtant, le lieu parait presque chaleureux, grâce aux peintures qui ornent les murs.
La cour était l'endroit où nous étions supposés donner un atelier de théâtre. Ledit atelier a duré seulement deux mois et a ensuite été suspendu pour cause de Mondial de football. Par la suite, nous n'avons pas repris. La raison? Le manque de motivation du bénévole argentin qui nous accompagnait, je suppose. Ludivine et moi ne pouvions pas retourner seules là-bas, alors nous avons abandonné. Par chance, Marta, la responsable de la pastorale pénitentiaire, nous a prise avec elle pour saluer une dernière fois les mineurs.
Des adolescents des secteurs A et B, il n'en restait plus qu'un, Maxi. Les autres sont tous partis en liberté...enfin, c'est relatif. Ludivine m'a dit qu'elle en avait déjà rencontré deux au commissariat qu'elle visite. Nous avons également retrouvé Malvina, la thérapeute, et Gustavo, le psychologue. Impression bizarre de revenir dans ces lieux, que j'ai l'impression d'avoir quitté il y a des années-lumières. En fait, cela ne fait que 3 mois que je n'étais pas revenue. Malvina se souvenait de notre première visite, quand j'avais chanté pour les adolescents (le Nouthra dona di Maortse, s'il-vous-plaît!), et qu'un ado m'avait donné un aperçu du répertoire du stade de football. Malvina nous a dit que c'était très important pour les adolescents que l'on prenne la peine de les visiter. Cela leur donnait le sentiment d'avoir de l'importance pour quelqu'un. A écouter Gustavo et Malvina, on sent qu'ils sont très attachés aux "chicos" et font de leur mieux, avec peu de moyens.

Adios Maxi, David, Cristian, Carlito, Tito et tous les autres, je ne vous oublierai pas.


mardi 14 septembre 2010

Lettre d'un prisonnier à la fille de sa victime

"Considère cette lettre comme étant unique car celui qui l'écrit, il y a déjà beaucoup d'années, a détruit une famille, la tienne, [causant] la perte irréparable de ton père, des mains d'un vulgaire délinquant comme moi. Je ne veux pas m'exprimer comme un assassin car de cette manière j'interromps le repos éternel de ton père. Que Dieu le garde dans sa gloire. A part ça, je ne suis pas un assassin, pas au fond de mon coeur, car un assassin ne ressent pas la nécessité d'un pardon de la part de ta famille ou si possible, ton pardon.
Je ne suis pas intéressé par le pardon de la loi qui punit le délinquant selon son délit: Dieu est témoin à chaque instant qu'en moi il y a la solitude terrible [de celui qui] se voit comme une sépulture vivante. [En effet] je vis ma condamnation de porter la mort dans ma vie, car je suis contaminé par le SIDA. Ce n'est pas comparable à votre douleur et ce n'est pas de douleur dont je veux te parler seulement, [mais] de cette chose du destin qui fait que je suis en train de t'écrire pour implorer ton pardon pour alléger cette croix pesante que je porte dans ma vie. J'ai besoin de ce pardon pour être en paix dans mon coeur, dans mes nuits, dans mes rêves, dans ma vie.
Si tu sens dans ton coeur que tu peux me pardonner, souffrant dans ta vie à cause de mon inconscience la perte de ton père, c'est pour cela que je te prie de me pardonner, pour alléger cette vie malheureuse.
Si cette lettre t'apporte maintenant le mauvais souvenir [de la mort] de ton père, pardonne-moi, ce n'était pas mon intention, parce que moi aussi je m'en souviens et c'est pour cela que je t'écris cette lettre. Et quelque chose en moi se réveille et j'ai besoin que tu me pardonnes, toi, qui liras cette lettre et [la] gardera en toi, si tu la lis à ta famille, [la] gardera en toi, si tu ne la reçois pas ou la déchires et la jettes, [la] gardera en toi, [et pourra] sentir le papier dans tes mains écrit par la même main qui a abrégé la vie de ton père. Il te restera de me souhaiter ce que tu voudras mais ce qui est le plus important pour moi est que [...] tu me pardonnes avec une réponse à ma lettre et, par ta volonté, Dieu me prenne à son côté, quand je cesserai de vivre dans ce monde.
Je m'en vais avec la foi et puisses-tu me comprendre.
Gerardo"


Cette lettre a été édité dans un catéchisme de la pastorale pénitentiaire, au niveau national. La lettre a été retranscrite par un aumônier de prison qui vit aujourd'hui en France. Nous ignorons la réaction de la fille de la victime ou si le prisonnier est encore en vie.

jeudi 2 septembre 2010

Petite réflexion de commissariat

Hola amigos!

Como andan en el lindo pais de Suiza? Ici, cette société argentine si étrange continue de tourner pas rond. Mardi, c'était le jour du policier. Avant de visiter les prisonniers, nous avons offert aux gardiens des bonbons et une carte avec une prière et une réflexion. En Argentine, il y a un jour de fête pour tout le monde, durant toute l'année. Voici un échantillon des jours spéciaux que j'ai pu entrevoir: le jour du père, de la mère, de l'enfant, de l'instituteur, du catéchiste, de l'ami. Durant cette journée, tu envoies un message ou un petit cadeau à la personne concernée. Ainsi, le gardien, qui s'apprêtait à nous demander nos papiers, a complètement oublié d'être pointilleux à la vue des bonbons que j'ai distribués, avec le sourire s'il-vous-plaît!
Je vous donne encore une autre coutume argentine. Quand il pleut, certaines personnes, surtout les habitants des villas (les quartiers pauvres), ne sortent pas. En effet, les enfants ne peuvent pas se permettre de salir, en marchant dans la boue, la seule paire de baskets ou d'espadrilles qu'ils possèdent. Ainsi, il n'y avait pas d'enfants aux ateliers du centre où je vais à Santa Rosa de Lima. Jorge, un membre de la communauté, travaille dans une école primaire. Un seul enfant, sur cent, s'est présenté aux cours! Quant à l'atelier de cinéma de la prison de Las Flores, nous l'avons annulé à cause de la pluie.
Pour en revenir au commissariat 5a, nous y avons retrouvé Horacio, Juan Carlos, Miguelito et compagnie. Les prisonniers arboraient de magnifiques coupes de cheveux, qu'un "coiffeur" leur avait faites lors du jour des visites. Nous avons donc débuté notre activité comme d'habitude. La lecture du jour abordait les thématiques de la responsabilité individuelle et de la charité envers autrui. Le conte montrait la puissance de Dieu, qui sauve un oiseau à moitié mort, mais pousse un homme jeune et fort à prendre ses responsabilités et à aider un homme plus pauvre que lui.
L'un des prisonniers, Andi, a la leucémie et a été emmené à l'hôpital une semaine auparavant, car l'air du commissariat ne devait pas lui convenir. Ils l'ont ensuite retiré de l'hôpital pour le remettre dans cet endroit minuscule et sale. Il est révolté, dit qu'il a eu la volonté de changer et qu'on l'a arraché à son foyer, qu'il ne reverra plus ses enfants. En plus de toute cette merde, il est malade. Pourquoi lui? Miguel, un jeune de 24 ans, prétend que Dieu, s'il est tout-puissant, ne devrait pas laisser le monde aller aussi mal. Il n'a connu que la villa (un quartier pauvre) et son lot de misères. Blanca et Elvia lui expliquent qu'il peut changer les choses petit à petit, demander de l'aide aux bonnes personnes et surtout donner du sens à sa vie. Selon elles, Dieu ne t'abandonne pas et la pire des situations peut te donner l'opportunité de sentir sa présence. En résumé, c'est quand on est dans la mouise que l'on pense à Dieu, et non quand tout va bien.
Quand Blanca explique aux prisonniers qu'il faut aussi penser aux victimes que l'on a faites dans notre vie (que ce soit pour des choses bénignes ou plus graves), Horacio et Juan Carlos refusent d'écouter. Ils se lèvent, retournent dans la cellule qui leur sert de chambre (où nous ne pouvons pas entrer). Quand nous sortons du commissariat, Blanca me dit que ces deux prisonniers ont certainement tué, ce qui explique leur hostilité. Un membre de la communauté, qui fait du catéchisme à la prison de Las Flores, m'a parlé un jour du manque de culpabilité et d'empathie des prisonniers. Il y a du chemin à parcourir mais, selon Blanca, en chacun de nous, le pire côtoie le meilleur. Notre devrions essayer de le sublimer en ouvrant notre coeur. Blanca a été au fond du trou à un moment de sa vie et a trouvé la force de s'en sortir. Depuis, elle aide les plus infortunés à trouver cette lumière.
Je crois savoir pourquoi j'adore aller au commissariat 5a, cet endroit triste, pourri, sombre et glauque. J'ai l'impression, à chaque visite, que j'en apprends un peu plus sur moi-même ou sur la vie. Qui sait?

Chao papachos

Hortencia